Par Raphaël Enthoven

Published by Observatoire Juif de France on

« Nous connaissons l’histoire de notre pays. Et c’est   parce que nous la connaissons que nous nous méfions pas seulement des fascistes, mais plus encore peut-être des lâches. »
Ce qui est intéressant dans la comparaison que fait .@JLMelenchon entre le Président de l’université de Lille qui a annulé le meeting politique qui devait se tenir dans ces murs à l’invitation de « Libre Palestine » et Adolf Eichmann en personne (condamné à mort pour son rôle dans l’holocauste) c’est que cet imbécile de Mélenchon reprend l’argumentaire… d’Eichmann lui-même !
Quel était l’enjeu du procès Eichmann ?
De démontrer, entre autres, sa participation ACTIVE dans les crimes contre le peuple juif, les crimes contre   l’humanité, les crimes de guerre, et la « participation à une organisation hostile ».
Quelle était la défense d’Eichmann ? Sa seule ligne de défense ? « Je n’ai fait que suivre les ordres ». Autrement dit, je n’étais pas un AGENT du nazisme, mais un outil du nazisme, un fonctionnaire, un artisan docile de la solution finale.
Et si le texte de Hannah Arendt (« Eichmann à Jérusalem ») a notamment fait scandale, c’est parce qu’en insistant sur la dimension ordinaire, “banale”, du bonhomme, la philosophe paraissait (à tort) donner du poids à l’argumentaire de celui qui, pour minorer son rôle, se présentait comme un simple exécutant.
Revenons à Mélenchon : son propos est de s’en prendre aux « faibles qui, dans la chaîne interminable du mal, signent un papier pour organiser un convoi SNCF… » et d’ajouter : « Moi, je n’ai rien fait, disait Eichmann ! je n’ai fait qu’obéir à la loi telle qu’elle était dans mon pays. » Effectivement, c’est ce que disait Eichmann.
En le disant, le SS entendait minorer son rôle. La seule responsabilité qu’il se reconnaissait, c’est celle d’avoir obéi. L’étiquette de « lâche », Eichmann l’eût endossée avec plaisir si elle lui avait permis d’échapper à la mort.
Ce n’est pas cela qui s’est passé.
Eichmann a été déclaré  coupable pour tous les chefs d’inculpation qui pesaient sur lui après un procès de huit mois, condamné à mort et exécuté dans une prison   israélienne le 31 mai 1962.
Résultat : la mémoire collective fait du SS un monstre et un artisan décisionnaire dans la solution finale. De là l’indignation qui nous étreint quand un tribun compare au SS pendu le Président de la fac de Lille.
Mais cette indignation vient du fait que, dans notre esprit, Eichmann a été condamné comme un monstre, alors que si Mélenchon s’autorise une telle comparaison, c’est parce que, dans son esprit de vieil antisémite, Eichmann… n’est pas un monstre !  Juste un lâche, un petit ouvrier de la solution finale, un petit exécutant tout comme le Président de l’Université « s’est aplati, s’est couché,   craignant pour sa réélection… Il a sacrifié, misérable, la liberté d’expression. »
En un mot, ce qui est abject dans cette comparaison, ce n’est pas que Mélenchon compare le président de l’université de Lille à Eichmann, mais c’est qu’il reprenne l’argumentaire d’Eichmann en personne pour s’autoriser une telle comparaison.
En somme, Mélenchon, pour un petit bénéfice politique, banalise la thèse d’Eichmann. Il rend des couleurs à l’idée selon laquelle le SS n’était qu’un exécutant, un « brave   homme » qui n’a pas été brave, et qui, à cet égard, n’aurait pas dû être condamné à mort.

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